Le vieux vin s'était marié. D'un accord parfait, il enveloppait sa dulcinée. La tonalité souple laissait apercevoir le parfum subtil de la truffe. Le vin d'âge mûr avait donc trouvé de la légèreté dans la truffe noire qui lui ressemblait. D'un accord torride, la truffe respectait la solidité scabreuse de son époux. Le bordeaux supérieur avait en effet une grande qualité: il était apte au vieillissement. Le vieux jeune marié possédait du caractère: il était ferme et ample. Malgré tout; la truffe était loin d'être docile, d'une nature goûteuse et charnue elle ne se laissait pas impressionner. Reine du Périgord, on l'appelait "la truffe noire". Son parfum était des plus savoureux. La reine donc, aimait la texture et les arômes de son amant. Avec un encépagement de 60% Merlot, 36% Cabernet sauvignon et 4% Cabernet franc, le vieux bordeaux de 1993 distillait dans sa robe grenat des accords admirables de cassis mûr, fougère, fumée, mûre, poivron vert, réglisse, sous bois, tabac, vanille, et violette. Mais aussi des arômes de cerise, cuir, épices, fraise confiturée, framboise, chocolat noir. Il avait aussi bien le goût de gibier que de pruneau, truffe ou violette; mais encore de coing, feuille de lière ou fougère. Le Château Ducla Permanence se valorisait ainsi d'une grande persistance aromatique. Mais la truffe était une poule de luxe et le vieux mâle un déshérité. A l'inverse de sa femme, qui avait été élevée entièrement dans la terre; l'époux avait été soumis à des conditions de production et d'élaboration stricte (en barriques pendant quinze mois). Il était issu des meilleurs raisins sélectionnés sur les plus hauts coteaux et descendrait même d'un seigneur écossais nommé "Mac Douglas". D'un prix fort inférieur à son mets de mariée, elle avait pourtant était séduite par son nez fin mais complexe. Elle favorisait les physiques pleins de charme aux physiques parfaits. Séduite par son attache ronde et ample ainsi que sa présence tannique très veloutée elle ne pouvait qu'entrer dans la connivence. En bouche, l'assemblage était irréversible. Douce sensation gargantuesque. Orgie de plaisir. Douleur chaude de l'amour. En frôlant la langue de son palais, Enrico Bernardo s'exclama: "Non ce n'est ni un mariage de raison, ni un mariage d'argent, mais un mariage d'amour." Les noces furent célébrées en une gorgée.