"Mathilde habitait dans ma rue, presque à l'angle du boulevard Voltaire. Elle était ravissante avec ses cheveux auburn coupés à la Sylvie Vartan dans Patate. Une frange épaisse soulignait le regard noisette. Quelques taches de rousseur parsemaient son nez légèrement retroussé. Je la croisais régulièrement en faisant semblant de ne pas la voir. Histoire ancienne. Je l'avais connu trois ans auparavant, au sortir de Sainte-Marguerite, quand elle était guide. Elle n'aurait jamais dû quitter sa chemise oxford bleu ciel, sa jupe plissée bleu marine, ses chaussettes assorties tirées sur ses mollets de ballerine parfaitement dessinés et ses penny-loafers noirs.
C'est elle qui me rendit assidu aux messes l'année de mes treize ans. Elle se tenait toujours dans les premiers rangs avec une amie, très droite, bien campée. J'essayais de trouver une place à quelques bancs derrière elle et la contemplais avec intensité. Je me disais: "Si elle se retourne et me regarde, je sortirai avec elle."
(extrait de texte La bande du drugstore; de François Armanet)